L3S5-2024-2025-Thème, para el 24 de sept de 2024
ROLAND, Madame, Mémoires
de Madame Roland, Éditions Mercure de France, 2004, pp. 138 à 140.
Notices historiques
[…] L’Assemblée
avait bien jugé que les événements du 10 août produiraient des impressions
diverses, suivant les préjugés ou les intérêts des individus et la manière dont
ils seraient présentés : elle fit dresser un récit des faits, décréta son
impression, l’appuya par la publication des toutes les pièces qui justifiaient
de leur exactitude, chargea le ministre de l’Intérieur de les expédier par
toute la France, et lui enjoignit en outre de faire publier des écrits propres
à remplir le même but. Roland sentit que, dans cette circonstance, l’art de
répandre avait besoin d’être perfectionné, et qu’il s’agissait de former un
courant de lumières qui suppléât en quelque sorte à l’instruction publique
toujours négligée. Il assura dans les départements, par les informations et les
recherches, d’un petit nombre d’hommes sages et zélés qu’on pût regarder comme
les fidèles distributeurs des écrits qui leur seraient envoyés : il se fit
une règle de répondre à tout, d’entretenir correspondance soit avec les
Sociétés populaires, les curés, ou les particuliers qui s’adresseraient à
lui : il envoya aux Sociétés une circulaire, où il les rappelait à
l’esprit de leur institution, au soin fraternel d’instruire et de s’éclairer,
dont elles tendaient trop à s’écarter pour délibérer et gouverner ; il
choisit dans ses bureaux trois ou quatre personnes d’un bon esprit, qu’il fit
diriger par celle d’entre elles qui avait le plus de sensibilité dans l’âme,
d’austérité dans les principes, de douceur dans le style, pour suivre cette correspondance patriotique, et faire
l’envoi des imprimés ; il nourrit souvent cette correspondance de ses
propres circulaires dictées par les circonstances, et respirant toujours cette
moralité, ce charme d’affection qui gagnent les cœurs. On ne peut se figurer
l’excellent effet qui en est résulté ; aussi les troubles de toute espèce
s’apaisèrent ; les corps administratifs opérèrent avec régularité ;
cinq à six cents Sociétés, des curés en assez grand nombre, se vouèrent avec un
zèle touchant à répandre l’instruction, à intéresser et lier à la chose
publique des hommes, jusque-là livrés à leurs travaux, mais abandonnés à leur
ignorance et prêts à recevoir des fers plus qu’à maintenir une liberté dont ils
ne connaissaient ni l’étendue , ni les limites, ni les droits, ni les devoirs.
Cette correspondance patriotique est un
monument précieux qui atteste également la pureté des principes, la vigilance
éclairée du ministre, la bonne volonté d’un grand nombre de sages citoyens, et
les fruits admirables de la sagesse, du civisme et de la raison.
Les hommes
soupçonneux et jaloux virent beaucoup moins, dans la chose et dans ses effets,
le triomphe de la liberté, le maintien de la paix, l’affermissement de la
République, que la gloire et le crédit qui pouvaient en résulter pour le
premier coopérateur. Dès lors Roland fut représenté comme un homme dangereux, qui
avait des bureaux d’esprit public ; bientôt comme un corrupteur de
l’opinion, un ambitieux de la suprême puissance ; enfin comme un
conspirateur.
Il ne fallait que
lire ses écrits, visiter sa correspondance : les départements qui les
recevaient lui répondaient par des actions de grâces ; mais les brigands
de Paris, calomniant toujours et ne prouvant jamais, élevèrent à l’aide de
mille manœuvres une sorte de défiance et d’opinion populaire que les Jacobins
soutenaient de tout leur pouvoir ; car ils n’étaient plus régis que par
Danton, Robespierre et Marat.
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